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À cette heure tout vivait d’un souffle de vie pure et immatérielle.

Les fleurs s’inclinaient en courbes gracieuses et lentes ; le long des murs noirs et dans les massifs, elles parlaient d’une voix silencieuse, imperceptible, et que l’on comprenait… D’autres effeuilaient leurs pétales qui tombaient en tournoyant comme autant de pensées mortes et de songes éteints.

Ce soir-là, Amaury ne put fermer les paupières. La faim le tenaillait. Une main de fer lui serrait la gorge.

« Pourquoi faut-il que ce besoin m’empêche de reposer et vienne troubler ainsi ma pensée ? J’ai mal !… Serait-ce déjà le dénouement de mon histoire ? Mourir !… Dieu ! que cette pierre est dure, ce soir ! Pourquoi mes yeux voient-ils tant de lumières clignotantes ? Quels sont ces bruits qui frappent mes oreilles ? Non ! ce n’est rien ! Une illusion d’être affamé, d’orphelin vagabond et amoureux. »

Il voulut se lever. Une singulière torpeur l’en empêcha. Et, glissant le long de la borne qui lui servait d’oreiller, il s’affaissa dans la poussière de la rue.

Des roses effeuillaient leurs pétales le long des murs noirs… Sa raison s’échappait avec son âme et il n’entendit pas une fenêtre s’ouvrir près de lui.

Une jeune fille s’y tint longtemps debout dans l’ombre de la chambre. Son regard fouillait l’obscurité, revenant sans cesse à la borne émergeant de cette noirceur.

« Il n’est pas là, se dit-elle. L’oubli déjà ! Mais je suis seule coupable ! J’aurais dû lui dire mon amour et mes rêves. Las d’attendre en vain, il ne reviendra plus, tout est fini… Je fus cruelle… » Et au travers de ses larmes, elle