Page:De Broyer - Feuillets épars, contes, 1917.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
14

tinal, ce patron gouailleur malgré le danger, ce mousse et cette petite croix grossièrement taillée.

Et la journée se passe en une vaine attente. Le soir, je vais écouter les propos des pêcheurs dans un vieux cabaret flamand où les buveurs devisent des choses de la pêche. L’on parle du Godsgoedheid qui n’est pas encore revenu, l’on parle des femmes que la crainte affole.

— La tempête va se calmer, me dit mon voisin. Le vent changera sûrement cette nuit et, demain, je crois qu’il fera beau. S’ils ont pu tenir bon pendant la bourrasque, rien n’est encore perdu.

Et je reprends espoir…

La salle est bleue de fumée. Une vieille lampe éclaire mal l’assemblée. Je vois pourtant, cloués au mur, des calendriers aux images naïves, un portrait inhabile de notre roi défunt, et là-bas, au-dessus du comptoir, une madone nous tend les bras du haut de sa niche. Les pêcheurs parlent haut. Sous la lampe, des joueurs semblent absorbés, parfois une discussion éclate, l’on frappe sur la table, puis le calme renaît…

Quand je sors, il me semble que la rafale passe moins vite par les rues et que les hurlements du large se sont presque tus…


Mercredi 13 octobre 19…

Quel étonnement, à mon réveil, de voir le soleil inonder ma chambre ! Ce n’est pas un soleil d’automne, jaloux d’un sourire, non, c’est un gai soleil de printemps !

Dehors, il flotte dans l’air comme un souffle de joie, on voudrait chanter… Plus de vent, plus qu’une légère brise tiède qui vous caresse les joues. Un grand rayon me