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Eh bien ! ma pauvre fille, il faut parler musique !
La basse foudroyante et le ténor phthisique
Nous font l’œil en coulisse et demandent nos vers ;
Duègne au nez de rubis, ingénue aux bras verts,
Ciel rouge, galonné de quinquets pour la frange,
Il faut décrire tout, jusqu’aux arbres orange.
La clarinette aspire à des canards écrits,
Et le bugle naissant nous réclame à grands cris.
   Donc, samedi prochain nous dirons à l’Europe
Comme tombe le cèdre au niveau de l’hysope,
Et comment, et par quels joueurs d’accordéon,
L’Opéra, devenu pareil à l’Odéon,
A vu, depuis trois ans, aux stalles dédaignées,
S’empiler en monceau les toiles d’araignées ;
Et comment il a fait, pour trouver un ténor,
Des voyages plus longs que tous ceux d’Anténor.
   Après tous nos malheurs et ton frac mis en loques,
Tu dois haïr Thalie et toutes ses breloques ;
Mais si tu peux encor me suivre sans frémir,
Je te promets ce soir ce bijou de Kashmir
Qu’un faible vent d’été ride comme les vagues,
Et qui passe aux travers des plus petites bagues.


Décembre 1845.