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   Alcippe a le renom d’un homme littéraire.
Il gagne peu d’argent. Est-il pauvre ? Au contraire.
Sa femme, une poupée aux petits airs souffrants,
En cailloux de princesse a deux cent mille francs,
Et, dès le grand matin, porte pour ses sorties
Des bottines de soie en couleurs assorties
A la robe du jour. Alcippe a deux landaus
Et de petits habits qui plissent sur le dos ;
Madame a son lundi ; c’est un groom en livrée
Qui porte à la Revue, à bon droit enivrée,
Les tartines d’Alcippe, et ces époux profonds
Ont leur loge au Gymnase et leur loge aux Bouffons.
   Alcippe, homme de goût, poëte et dramatiste,
Est un original extrêmement artiste ;
Il croit sincèrement devoir à son travail
Les dollars que madame a trouvés en détail
Sous les petits coussins d’une amie un peu mûre,
Dont pour aucun de nous le boudoir ne se mure.
Si pourtant le mari, que favorise un dieu,
Veut s’étonner, madame, en souriant un peu,
Répond qu’elle a gagné cet argent à la Bourse.
   En peut-on à ce point méconnaître la source !
L’ange des actions, que chacun invoquait,
Manque à présent de tout, ainsi que Bilboquet ;