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ODES FVNAMBVLESQUES.

De qui trois cents Romains composaient l’ordinaire,
Ne serait aujourd’hui qu’une pensionnaire,
Et pourrait concourir pour le prix de vertu.
Les nôtres ont un Claude imbécile et tortu,
Qui, toujours généreux au degré nécessaire,
Pour les faire oublier donne tant par ulcère.
Quelle est la Cléopâtre à trois cents francs par mois,
Dont l’Antoine en gants blancs, venu de l’Angoumois,
Ne prenne pas plaisir à voir fondre sa perle ?
Dis qu’Antoine est à sec, plus joyeuse qu’un merle,
Cléopâtre s’enfuit sur l’aile d’un steamer,
Et, de Waterloo-Road affrontant la rumeur,
Puise à ces fonds secrets que, pour ses amourettes,
La perfide Albion avance à nos lorettes.
Demande au soleil d’or, qui mûrit les cotons,
Combien notre Opéra, refuge de gothons,
En dévore en un soir pour un ballet féerique,
Et demande à Sappho, la Lélia lyrique,
Dont la lèvre du vent rougit les froids appas,
Si, par quelque hasard, elle ne saurait pas
Quels timides aveux et quelles confidences,
Au mépris de l’archet enragé pour les danses,
Nos petites Laïs, dans les coins hasardeux,
Au bal Valentino chuchotent deux à deux ?