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corps trouvait partout à s’y insérer commodément, les livres magnifiquement ornés de reliures pleines, les larges fauteuils de chanoine ou de douairière, et dans l’armoire les flacons de vin du Rhin entourés de verres couleur d’émeraude. Bref, elle ne voulut pas s’en aller, adopta un petit divan turc sur lequel elle dormait la nuit, et le jour lisait les ouvrages classiques ; et je crois qu’elle y serait encore, si l’architecte du propriétaire n’était venu un beau matin diriger des réparations devant lesquelles il n’y avait pas de bravoure possible, car elles commencèrent par la démolition d’un gros mur ! ― Peu de temps après, rentrée dans le tourbillon de sa vie, Pomaré s’habillait pour aller au bal Mabille quand son amant, un jeune homme beau comme le jour et jaloux comme un tigre, lui défendit de sortir. Comme elle s’obstinait, il posa son cigare allumé et rouge sur le petit pied nu de la belle danseuse et le brûla cruellement. Au lieu de crier, elle se jeta au cou de son amant et, tout en boitant, le couvrit de baisers ; on voit qu’elle était singulière. ― Elle est morte jeune, repentie, et dans une excessive misère, et Fiorentino écrivit dans Le Corsaire un article très ému sur la pauvre Élise