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PRÉFACE.

d’homme d’esprit, M. Nestor Roqueplan, a défini notre époque par un seul mot très-éloquent : le Paroxysme. Selon lui, le grand caractère de notre âge complexe était celui-ci, que tout s’est élevé à un degré extrême d’intensité. Pour éclairer ce qu’éclairait autrefois la chandelle classique, il faut des orgies de gaz, des incendies, des fournaises et des comètes. On était riche avec dix mille livres de rente, et maintenant, si un banquier ne possède que dix millions de francs, chacun dit de lui : « Ce pauvre un tel n’est guère à son aise ! » Où il y avait du gris, nous mettons du vermillon pur, et nous trouvons que cela est encore bien gris. Nos écrivains sont si spirituels que leurs cheveux en tombent, nos femmes si éclatantes qu’elles font peur aux bœufs, nos voitures si fines qu’elles se cassent en mille miettes.

Lorsque le chroniqueur des Nouvelles à la main a imaginé sa définition, il ne se trompait certes pas et il y avait là quelque chose de bien observé. Il faut désormais faire un pas de plus. Nous en sommes toujours au paroxysme, mais au paroxysme de l’absurde. Bien entendu, nous parlons seulement ici du côté extérieur et pittoresque des