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   Descends jusques au fond de ces hontes immenses
Qui sont le paradis des auteurs de romances,
Dis-nous tous les détours de ces gouffres amers,
Et si la perle en feu rayonne au fond des mers,
Et quels monstres, avec leurs cent gueules ouvertes,
Attendent le nageur tombé dans les eaux vertes.
   Mène-nous par la main au fond de ces tombeaux !
Montre ces jeunes corps si pâles et si beaux
D’où la beauté s’enfuit, désespérée et lasse !
Fais-nous voir la misère et l’impudeur sans grâce !
Parcours, en exhalant tes regrets superflus,
Ces beaux temples de l’âme où le dieu ne vit plus,
Sans craindre d’y salir ta cheville nacrée.
Tu peux entrer partout, car la Muse est sacrée.
   Mais du moins, Évohé, si la jeune Laïs,
Avec ses cheveux d’or, blonds comme le maïs,
N’enchaîne déjà plus son amant Diogène ;
Dans ces murs, d’où s’enfuit l’esprit avec la gêne,
Si leur Alcibiade et leur sage Phryné
Abandonnent déjà ce siècle nouveau-né ;
Si dans notre Paris Athènes est bien morte,
Dans les salons dorés où se tient à la porte
La noble Courtoisie, il est plus d’un grand nom
Qui dérobe la grâce et l’esprit de Ninon.