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Les travestissements, les changements à vue,
Les transformations sont comme une revue
De la garde civique : on les manque toujours.
Les Français, l’Odéon, sont les seules amours
Du machiniste en chef ; il a cette coutume
D’étrangler les acteurs en tirant leur costume.
Quelques-uns sont vivants ; s’ils en ont réchappé,
C’est que le machiniste une fois s’est trompé,
Et rêvait d’Abufar, qu’il voit chaque dimanche.
C’est un homme d’esprit qui prendra sa revanche.
   Enfin, on voit maigrir, comme un corps de ballet,
Des marcheuses, des rats, peuple jaune et fort laid,
Qui n’ont jamais dansé qu’à la Grande-Chartreuse,
Et qui, réjouissant de leur maigreur affreuse
Les lions estompés au cosmétique noir,
Prennent des rendez-vous pour le souper du soir.
   Nous qui ne sommes pas danseurs, prenons la fuite.
Allons souper aussi, mon cœur, mais tout de suite,
Et tâchons d’oublier, en buvant de bons vins,
Cet hospice fameux, rival des Quinze-Vingts.


Décembre 1845.