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  Ou qu’un vers enjambant de césure en césure,
Lui-même se poursuit de mesure en mesure.
   La musique sauvage et le drôle de cor
Qui guide au premier mai la famille Bouthor ;
Chez notre Deburau, les trois vieillards épiques
Qui font grincer des airs pointus comme des piques ;
Le concert souterrain des aveugles ; enfin
L’antique piano qui grogne à Séraphin
Et l’orchestre des chiens qu’on montre dans les foires,
Auprès de celui-là charment leurs auditoires.
Mais si rempli qu’il soit de grincements de dents,
Quels que soient les canards qui barbotent dedans,
Si féroce qu’il semble à toute oreille tendre,
Il vaut mieux que le chant qu’il empêche d’entendre.
   Les choristes, rangés en affreux bataillons,
Marchent ad libitum en traînant des haillons ;
Les femmes, effrayant le dandy qu’elles visent,
Chantent faux des vers faux ; même, elles improvisent !
O ruines ! leurs dents croulent comme un vieux mur,
Et ces divinités, toutes d’un âge mûr,
Dont la plus séduisante est horriblement laide,
Font rêver par leurs os aux dagues de Tolède.
Leurs jupons évidés marchent à grands frous-frous,
Et leur visage bleu, percé de mille trous,