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Leur âme nous parfume, et la grande Nature,
Si pleine de raison,
A fait avec leurs corps tombés en pourriture
Sa belle floraison.

Oui, c’est d’eux que nous vient cette ombre douce et triste ;
Et ce sont eux encor
Ces bouquets de corail, ces thyrses d’améthyste,
Ces riches grappes d’or !

Ce sont eux ces rosiers aux mille roses blanches
Et ces amaryllis,
Et ce bleuet céleste et ces tendres pervenches,
Et ce sont eux ces lys !

De même la Nature, avec mélancolie,
Jusqu’au matin vermeil
Laisse la vaine cendre en nous ensevelie
Pourrir loin du soleil ;

Haine, douleur, néant de la gloire et du crime,
Illusion d’un jour ;
Et, baignant de rayons tout ce fumier sublime,
Elle en fait de l’amour !


Mai 1845.