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LES STALACTITES


Quel trouble appesanti sur leur délicatesse
Pare de la langueur mourante du sommeil
Ces merveilles du rêve, et d’où vient leur tristesse ?

Hélas ! l’ardent soleil de Dieu, le vrai soleil
Ne les éclaire pas de son regard propice
Et fait voler plus haut ses flèches d’or vermeil.

Sous un mont que jamais le lierre ne tapisse,
Vit cet enchantement qui tremble au son du cor,
Gardé par la caverne et par le précipice.

Mais (chère nymphe, ô Muse inassouvie encor,
Que devance le chœur ailé des Métaphores),
Pour installer ce rare et flamboyant décor,

Sous ces blancs chapiteaux et ces arceaux sonores
Où les métaux ont mis leur charme et leurs poisons,
Il a fallu les pleurs des Soirs et des Aurores.

Car, toi pour qui le roc orna ces floraisons
De rose, de safran et d’azur constellées,
Tu le sais, Poésie, ange de nos raisons,

Ces caprices divins sont des larmes gelées !


Décembre 1846.