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Maîtres des Odes éclatantes,
Se résignant au rire amer
Pour des foules plus inconstantes
Que le flot fuyant de la mer ;

Ô pasteur des rhythmes sans nombre,
Comme tu regardais ces fous
Acharnés à l’ombre d’une ombre,
Avec un air pensif et doux,

Toi qui t’asseyais sous un arbre
En plaignant le cerf aux abois !
Toi, l’amant des Nymphes de marbre
Et de la source dans les bois,

Qui donnais la richesse vile
Et tout leur or matériel
Pour une âpre strophe d’Eschyle,
S’envolant terrible en plein ciel !

Toi qui, dans ton cœur invincible,
N’eus pas d’autre rêve étoilé
Que de lire la grande bible
Et de voir dans le ciel fermé !

Toi qui, dans ta candeur sincère,
Souriais, ignorant du mal,
Et qui remplissais ton grand verre
Avec le vin de l’Idéal !