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Laissons l’hypothèse, l’histoire est assez longue. En France, Charles d’Orléans a préludé sur la lyre aux cordes d’argent. Au XVIe siècle, tous les virtuoses de la pléiade, Belleau, Baïf, Desportes, et Ronsard plus qu’eux tous, dépensèrent le meilleur de leur art à accomplir l’œuvre légère. Plus tard, l’Odelette ne fut guère en faveur : elle ne s’accommodait pas plus à la gravité froide de Boileau qu’au sans-gêne incorrect de Voltaire. Serai-je assez heureux pour avoir ressaisi l’écho de quelques-unes de ces chansons dont chacune a eu sa minute d’harmonie et de gloire ! Je ne l’espère pas. L’entreprise avait trop de difficultés. Une odelette ne dure pas plus longtemps que la roulade d’un rossignol, mais, pour le jeu de ces trilles et de ces arpèges vite envolés, il faudrait une voix d’un timbre toujours pur.

Ce livre sera éclairé du moins auprès du public par le reflet des renommées fraternelles auxquelles je le consacre. Ainsi les chevaliers d’autrefois, à la veille de leurs lointains voyages, lâchaient à travers leurs parcs et leurs forêts quelque biche privée dont le collier portait le nom d’une dame enlacé avec le nom du suzerain. S’ils n’échappaient pas aux dangers de la route, la pieuse inscription leur survivait et attestait qu’ils avaient entretenu dans leur cœur ces deux grandes vertus de l’homme : la tendresse et le respect.


Avril 1856.