Page:De Balzac - Aristippe, ou De la Cour, 1658.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
ARISTIPPE


On ne ſçauroit croire, combien la Raiſon s’égare ; Ie parle de la plus droitte, & de la mieux eclairée ; & combien les Hommes ſe trompent ; Ie dis les plus habiles, & les plus intelligens. Qu’il y a loin des paroles à la choſe, & que ce n’eſt pas tout vn, de produire que de conceuoir ; d’executer que de diſcourir !

Dans la conception, & dans le diſcours, il ſemble que tout rit, & que tout veut plaire : Il n’y a que de la ioye, & du chatoüillement, pour l’eſprit, qui fait vn exercice agreable, en cherchant ce qu’il deſire, & croyant auoir trouvé ce qu’il cherche. En cet eſtat là, il reçoit comme les premiers plaiſirs de l’amour : Il gouſte les douceurs, qui naiſſent des nouuelles Opinions, & de la deſcouuerte de la Verité, ou de quelque choſe qui luy reſſemble. Tant que l’eſprit penſe, & tant qu’il raiſonne, perſonne ne le trouble, en la poſſeſſion de ſon objet : Il eſt maiſtre des deſſeins, & des entrepriſes : Il court apres de belles idées, qui se laiſſent prendre,