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ARISTIPPE

Conſeil eſt en vsage parmi les Sauuages ; À plus forte raiſon parmi les Peuples ciuiliſez. Mais par tout, il faut que les Sages l’empruntent d’autruy, parce que leur Sageſſe leur doit eſtre ſuſpecte, aux choſes qui les regardent. L’Homme eſt ſi proche de ſoy-mesme, qu’il ne peut trouuer d’entre-deux, ni d’eſpace libre, pour le debit du conſeil qu’il ſe veut donner : il ne ſçauroit empeſcher que les deux Raiſons, qui deliberent en luy, ne ſe confondent dans la communication, celle qui propoſe eſtant trop meslée, auec celle qui conclut.

Il faut donc que celuy qui conſeille, soit vne perſonne à part, & diſtincte de celuy qui eſt conseillé. Il faut qu’il y ait vne diſtance proportionnée, entre les objets, & les facultez qui en iugent ; Et comme les yeux les plus aigus ne ſe peuuent voir eux-mesmes, auſſi les jugemens les plus vifs manquent de clarté, en leurs propres intereſts. Quelque connoiſſance naturelle que nous ayons, & quelque lumiere qui nous vienne de plus haut, nous ne deuons point