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Conseil est en usage parmi les Sauvages ; A plus forte raison parmi les Peuples civilisez. Mais par tout, il faut que les Sages l’empruntent d’autruy, parce que leur Sagesse leur doit estre suspecte, aux choses qui les regardent. L’Homme est si proche de soy-mesme, qu’il ne peut trouver d’entre-deux, ni d’espace libre, pour le debit du conseil qu’il se veut donner : il ne sçauroit empescher que les deux Raisons, qui deliberent en luy, ne se confondent dans la communication, celle qui propose estant trop meslée, avec celle qui conclut.

Il faut donc que celuy qui conseille, soit une personne à part, & distincte de celuy qui est conseillé. Il faut qu’il y ait une distance proportionnée, entre les objets, & les facultez qui en jugent ; Et comme les yeux les plus aigus ne se peuvent voir eux-mesmes, aussi les jugemens les plus vifs manquent de clarté, en leurs propres interests. Quelque connoissance naturelle que nous ayons, & quelque lumiere qui nous vienne de plus haut, nous ne devons point