Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
MEMOIRES SECRETS.

abus. Vous avez su qu’il avait proscrit l’usage ridicule sur les théâtres de cette ville de faire jouer les rôles de femmes par de jeunes garçons, et qu’il avait remis le sexe en possession de toutes ses fonctions à cet égard. Il vient d’abolir une coutume plus horrible et plus abominable : par une barbarie qui fait la honte de tous ses prédécesseurs, on outrageait la nature dans de jeunes enfans, et on les dressait, dans ce malheureux état, à remplir les fonctions de musicien à la chapelle des papes. On se procurait ainsi des voix claires et argentines, qui flattaient les oreilles de ces souverains, et pour leur plaisir on avait consacré une horreur qu’on ne devrait lire que dans l’histoire des tyrans de Rome. Sa Sainteté aime beaucoup la musique, mais encore plus l’humanité et, pour suppléer à cette espèce de chanteurs appelés castrati, elle a permis de prendre des femmes dans les musiques d’église. Un pareil trait fera bénir à jamais le pontificat de Clément XIV. Il est adoré de ses sujets et surtout du sexe, qu’il fait sortir de la nullité à laquelle l’avaient réduit ses prédécesseurs. »

9. — On a parlé des tracasseries suscitées à M. de Belloy par les Comédiens à l’occasion de la reprise du Siège de Calais ; de la lettre forte et vive que cet auteur leur écrivit dans le temps, et de l’espèce de trève que le gentilhomme de la chambre mit à cette petite guerre en ordonnant provisoirement que l’on jouât la tragédie en question. Cette satisfaction n’a pas contenté M. de Belloy ; et les Comédiens, de leur côté, ont conservé leur rancune, surtout le sieur Le Kain, chargé du rôle Bayard[1], mais qui en partant pour sa tournée déclara qu’il ne jouerait point que l’auteur n’eût réparé les outrages

  1. Dans Gaston et Bayard. — R.