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MEMOIRES SECRETS.

elle avait désiré le châtiment, et a sacrifié sa vengeance personnelle aux plaisirs du public, qui aime cette actrice. Le roi a eu peine à se laisser fléchir, et il a fallu toute l’aménité, toutes les grâces de cette dame, pour retenir sa sévérité.

28. — On a découvert que l’auteur de la suscription emphatique[1], à la manière orientale, d’une lettre adressée à M. de Voltaire, dont on a parlé, était un certain abbé De Launay. Cet abbé avait été en Portugal, et s’était insinué dans la confiance d’un frère du roi, au point qu’on avait craint qu’il ne captivât trop sa bienveillance, et qu’il avait été obligé de revenir en France, où il s’était soutenu par les bienfaits de ce prince, qui lui a même laissé une pension à sa mort, mais mal payée, suivant l’usage. L’abbé a contracté beaucoup de dettes ; il a été arrêté, il y a quelques années, et est en prison depuis ce temps, dénué de ressources. Il s’occupe à écrire à tous ceux dont il espère obtenir quelque chose, et fait valoir de son mieux un assez méchant talent qu’il a pour la poésie. Il est connu surtout par deux Épîtres, l’une au chien du Roi, et l’autre à M. l’évêque d’Orléans.

29. — M. de Mairan, cet Académicien connu de toute l’Europe savante, âgé de quatre-vingt-onze ans, trouvé très-mal, il y a quelques jours, d’une indigestion, après avoir dîné chez M. de Fonterrière, fermier-général ; on n’a pu le ramener chez lui tout de suite, et on lui a administré sur le lieu même les secours d’usage, qui ont procuré une double évacuation très-copieuse. Un accident aussi grave avait alarmé sur le compte de ce vieillard, mais il s’en est très-bien tiré et a recommencé à dîner en ville très-peu de temps après.

  1. V. 1er novembre 1769. — R.