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MEMOIRES SECRETS.

lins, Modèle des riches, Appui des indigens, Exemple immortel des sublimes vertus. »

Cette lettre, tout considéré, a été rendue à M. de Voltaire, quoiqu’elle ne portât pas son nom, comme le seul à qui toutes ces qualités pussent convenir. Bien des gens ne seront pas d’accord qu’elles soient toutes méritées, et il semble que le suscripteur lui eût pu donner des louanges moins équivoques et plus délicates, sans compromettre la vérité.

Les ennemis de M. de Voltaire prétendent que c’est lui-même qui s’est adressé ou fait adresser la lettre[1] : ils appuient cette conjecture sur l’invraisemblance qu’elle pût venir d’ailleurs que des Petites-Maisons, sur la fureur insatiable qu’a ce grand homme de faire parler de lui, et sur mille petites ruses de la même espèce, qu’on sait, à n’en pas douter, qu’il a employées plusieurs fois avec une impudence aussi grossière.

— Messieurs de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, très-alarmés de la Lettre de Raphaël à rome[2], plaisanterie d’autant plus piquante qu’elle est plus vraie, ont interposé auprès du ministre les bons offices de M. le marquis de Marigny, leur directeur. Il a agi si efficacement que la Police a arrêté le pamphlet en question pendant deux fois vingt-quatre heures, a exigé de l’auteur des corrections qui gâtent, comme on s’en doute bien, et émoussent tout le sel de la critique. Heureusement, la fureur du public avait déjà enlevé une infinité d’exemplaires.

Outre cette satisfaction, les artistes offensés ont chargé M. Sédaine, secrétaire de l’Académie de Peinture, de ré-

  1. V. 28 novembre 1769. — R.
  2. V. 24 septembre 1769. — R.