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SEPTEMBRE 1769.

l’anonyme. On attribue ce pamphlet à plusieurs hommes de lettres, comme l’abbé de Voisenon, M. Diderot, M. d’Alembert, M. Marmontel. Ce dernier est le plus soupçonné, parce qu’il est le plus connaisseur des quatre en pareille matière ; qu’il est d’ailleurs fort caustique, et que le style est plus dans sa manière que dans celle des autres.

30. — M. l’abbé Morellet, dont on attendait depuis long-temps la réplique, vient de la faire paraître ; elle a pour titre : Examen de la réponse de M. N*** au Mémoire de M. l’abbé Morellet sur la Compagnie des Indes, par l’auteur du Mémoire. C’est un in-4° de cent cinquante pages : on y retrouve le même esprit de paradoxe qu’on a remarqué dans le Mémoire : un homme décidé à nier tout ce qui est contre lui, même les faits les plus avérés, et à mettre en avant tout ce qui peut favoriser sa cause, même les raisonnemens les plus démentis par l’expérience. Au reste il a beau jeu.

3 Octobre. — Les Comédiens Français ont donné hier la première représentation d’Hamlet, tragédie en cinq actes, tirée du théâtre anglais. Ce sujet avait fait jusqu’ici le désespoir de nos plus grands maîtres, qui avaient vainement tenté de l’adapter à notre théâtre et de le circonscrire dans nos règles dramatiques. Quelques-uns, comme M. de Voltaire[1], s’étaient contentés d’en prendre les beautés de détail et de les transporter dans leurs pièces. M. Ducis s’est approprié cette carcasse et en a formé un drame régulier, mais qui, dénué de ces endroits neufs et terribles, dont on s’était emparé avant lui, n’a plus été qu’une tragédie ordinaire, dans laquelle

  1. Nous ne croyons pas que Voltaire ait jamais rien emprunté à l’Hamlet de Shakspeare : peut-être a-t-on voulu parler d’Othello. — R.