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MEMOIRES SECRETS.

peuple délicat, qu’à Paris, où, au contraire, l’ordre, la netteté, la précision du discours étaient plus essentiels aux détails des arts, au sang-froid de la philosophie, commerce de la société, les objets principaux auxquels on puisse y appliquer le langage. L’orateur a enrichi cette digression de beaucoup d’images et de figures, qui annoncent qu’il sait à merveille lier les deux langues, et transporter dans la seconde les beautés de la première, malgré l’antipathie qu’il leur suppose.

M. de Châteaubrun, élu directeur par le sort pour répondre à M. l’abbé Arnaud, s’étant trouvé incommodé, n’a pu se rendre à l’assemblée. C’est M. le maréchal de Richelieu qui a présidé à sa place, et M. d’Alembert a lu le discours de l’Académicien absent. L’orateur octogénaire[1] y a fait, d’une façon légère et délicate, l’éloge de M. de Mairan, qu’a remplacé M. l’abbé Arnaud. Il a saisi tous les traits propres à particulariser le héros académique dont il parlait, et les touches de son pinceau ne se sont ressenties en rien de la main octogénaire le maniait.

On ne savait, vu les défenses qu’avaient messieurs les Académiciens de parler[2], depuis l’incartade de M. Thomas, s’il y aurait quelque autre lecture. On a été surpris agréablement quand M. Saurin a fait lire une Épître en vers sur les inconvéniens de la vieillesse. On y a trouvé de la force, de l’onction et de très-belles images. M. Thomas a fermé la séance par une longue et ennuyeuse dissertation, où il a résumé tout ce qui a été écrit sur question si frivole et si agitée dans le seizième siècle,

  1. Châteaubrun, né à Angoulême en 1686, avait alors quatre-vingt-cing ans. — R.
  2. V. 21 mars 1771. R.