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JUIN 1770.

jeu très-naturel, et l’on désespère de remplacer de long-temps un semblable sujet.

— L’ouvrage de M. de Voltaire annoncé depuis un an, en forme de dictionnaire, paraît en partie. On voit déjà trois volumes, sous le titre de Questions sur l’Enyclopédie, par des amateurs. On parlera plus amplement de cet ouvrage quand il aura été discuté. En général, on peut dire que c’est une rapsodie, où l’auteur met distinctement tout ce qui lui passe par la tête, et vide les restes impurs de son porte-feuille.

14. — M. l’abbé Arnaud, élu membre de l’Académie Française, il y a quelque temps, a été reçu hier dans cette Compagnie, avec l’appareil ordinaire et cette affluence de curieux qui augmente chaque année. Son discours, plus analogue au lieu et aux circonstances que la plupart de ceux qui se prononcent en pareille occasion, à roulé principalement sur la langue. Il a établi un parallèle entre la langue grecque et la langue française, ou plutôt, dissertant sur les deux, il a prouvé qu’elles ne se ressemble en rien. Il s’est étendu avec complaisance sur la première, pour laquelle on connaît son enthousiasme ; mais, sentant l’indécence qu’il y aurait à dépriser la seconde devant les grands maîtres établis pour l’épurer, la perfectionner et la conserver, il lui a trouvé des beautés particulières, analogues à la nation, au gouvernement et au siècle : en un mot, il a démontré que l’une était la langue des passions et de l’imagination, l’autre celle de l’esprit et de la raison ; que celle-là était plus propre à des républicains, celle-ci à un état monarchique ; qu’un rhythme harmonieux, une prosodie marquée, une mélodie continue, convenaient mieux à Athènes, où il fallait subjuguer les oreilles superbes d un