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JUIN 1770.

Des cafés de Paris l’engeance fablière,
Qui raisonne de tout et ab hoc et ab hac,
Sur ses prédictions rédigeant l’almanac,
Sur seDonne pour femme à La Vrillière
Sur seLa fille du beau Polignac.
« Ah ! si l’ingrat jamais avait cette pensée,
S’écria Sabbatin, se frappant l’estomac,
Sur seJ’étranglerais, comme une autre Médée,
Tous ces Phelypotins, soi-disant de Langeac. »

8. — Dans les petits soupers que fait M. le duc d’Orléans avec mademoiselle Marquise, aujourd’hui madame de Villemonde, on se livre à cette aimable gaieté, à cette liberté franche qui fait l’âme de la société, et que les princes seraient trop malheureux de ne pas connaître. Les gens de lettres qui ont l’honneur d’y être admis, excités par tout ce qui peut aiguiser l’esprit, y produisent d’ordinaire des bons mots, des saillies, des chansons délicieuses. On parle d’une, entre autres, faite dans un de ces festins, où l’on retrace d’une façon naïve les amours des héros de la fête[1].

9. — Il passe pour constant que le magnifique carrosse de madame la comtesse Du Barry, dont on a parlé, est à vendre. On n’en sait pas exactement la raison. Les uns prétendent qu’elle n’en est pas contente, et qu’il ne lui a pas paru assez achevé ; d’autres disent que le roi, au contraire, l’a trouvé trop beau, et ne veut pas qu’elle s’en serve. On ajoute que la critique de Sa Majesté avait occasioné une petite bouderie de la part de la dame. Quoi qu’il en soit, il paraît sûr qu’elle veut s’en défaire, et l’on ajoute que le prix n’est que de 15,000 livres, ce qui serait une grande perte pour madame Du Barry, si cette voiture en a coûté 50,000, comme on l’a débité.

  1. V. 18 octobre 1770. — R.