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MEMOIRES SECRETS.

contre la rivale de cette actrice, et les partisans de celle ci ont enchéri et enfanté une Épître[1] où l’on fait un portrait effroyable de mademoiselle Guimard. Cette querelle occasione une grande fermentation parmi les demoiselles de l’Opéra, et les amateurs de ce spectacle prennent parti pour ou contre, suivant leurs affections particulières. On ne sait comment finira cette division, qu’on traite fort gravement ; le sieur de La Borde, directeur des spectacles de mademoiselle Guimard, est furieux de voir dégrader ainsi la divinité qui reçoit ses hommages,

30. — Madame la comtesse Du Barry fait faire un superbe vis-à-vis. Il est aujourd’hui achevé, et le public se porte en foule pour le voir chez le sellier. Rien de plus élégant et de plus magnifique en même temps. Ceux de madame la Dauphine, envoyés à Vienne, n’en approchaient pas pour le goût et la délicatesse du travail. Outre ses armoiries, formant le fond des quatre panneaux sur un fond d’or qui couvre tout l’extérieur de la voiture, avec le fameux cri de guerre : Boutez en avant, on trouve répétés sur chacun des panneaux de côté, d’une part, une corbeille garnie d’un lit de roses, sur lequel deux colombes se becquetent amoureusement ; de l’autre, un cœur transpercé d’une flèche, le tout enrichi de carquois, de flambeaux, enfin des attributs du dieu de Paphos. Ces emblèmes ingénieux sont surmontés d’une guirlande de fleurs en Burgos, qui est la plus belle chose qu’on puisse voir. Le reste est proportionné : le siège du cocher, les supports des laquais par-derrière, les roues, les moyeux, les marche-pieds, sont autant de détails précieux qu’on ne peut se lasser d’admirer, et qui portent l’empreinte des grâces de la maîtresse de

  1. V. 17 octobre 1770. — R.