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MEMOIRES SECRETS.

qu’il s’attendît à être bien tancé. On sait d’ailleurs que, dans une assemblée, M. le marquis de Paulmy, craignant quelque coup d’éclat de la part de M. Thomas, avait proposé de faire lire le discours de ce dernier dans un comité particulier ; que sur ce qu’on avait objecté que ce n’était pas l’usage, il avait dit qu’il le savait ; mais que dans cette circonstance, il croyait qu’il serait prudent d’y déroger ; qu’on connaissait l’enthousiasme fanatique de cet orateur, dont il pourrait résulter du désagrément à la compagnie ; que cependant la pluralité ayant été pour ne pas innover, la proposition n’avait pas eu de suite. On peut concilier tous ces témoignages en disant que le discours de M. Thomas pouvait effectivement avoir été fait et lu avant le Réquisitoire de M. Séguier, mais que depuis, pour venger la cabale encyclopédique, trop clairement dépeinte dans cet ouvrage, il avait ajouté à ce discours toute la tirade qui a fait tant de bruit. Cette conjecture est d’autant plus vraisemblable, que le très-long discours de M. Thomas n’a pas un certain ensemble, une parfaite cohérence des parties, en un mot ne paraît pas fondu d’un seul jet.

16. — Le sieur La Beaumelle, semblable au milan qui, dépouillé par l’aigle, laissait croître ses plumes dans le silence pour se venger de son ennemi, après avoir passé douze ans dans la retraite, lacéré de toutes parts par M. de Voltaire, est sorti, comme on a dit[1], armé de pied en cap, et va lui rendre tous les coups qu’il en a reçus. Il fait imprimer actuellement la Henriade corrigée, où il trouve plus de trois mille vers a reprendre. Il attaque encore mieux le plan : mais, par une maladresse impardonnable, il s’est avisé de vouloir

  1. V. 27 août 1770. — R.