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JUIN 1770.

de sa présence, et a pris rang parmi les Académiciens, ainsi que quelques seigneurs de sa suite.

8. — M. de Voltaire vient de répandre une petite brochure de cinquante-six pages in-8°, intitulée : Dieu ; Réponse au Système de la Nature. Il parle de cet ouvrage, comme tiré d’un autre qui n’a point paru, en plusieurs volumes, intitulé : Questions sur l’Encyclopédie. Quoi qu’il en soit, dans ce petit essai l’auteur prétend que celui du Système de la Nature s’est trop laissé aller à son horreur pour le fanatisme, ou à son mépris pour les méthodes employées dans l’École à la démonstration de l’Être suprême. Il lui abandonne le dieu des prêtres et celui des théologiens ; mais il lui demande grâce pour le dieu des honnêtes gens. Il rapporte à l’appui de son assertion tous les lieux communs déjà épuisés à cet égard ; il étale une érudition dont il aime à se parer dans ces sortes d’ouvrages ; il y mêle cet esprit de plaisanterie, ce ton ironique, ces invectives qu’il a continuellement à la bouche contre ses ennemis, ou contre ceux qui n’adoptent pas ses opinions ; et il réfute si mal le philosophe qu’il prétend combattre, que ce pamphlet peut passer pour le traité d’athéisme le plus formidable, par l’adresse avec laquelle M. de Voltaire a rapproché les divers argumens de son adversaire, qui restent dans toute leur force, et n’en reçoivent que davantage par cette réunion lumineuse, rapide et serrée.

Au moyen du soin qu’a eu M. de Voltaire d’extraire ainsi le livre du Système de la Nature, ouvrage en trois volumes in-8°, où tout le monde ne pouvait pas mordre, et qui n’était fait que pour les têtes fortement organisées, l’athéisme, ainsi dégagé de toute la forme syllogistique, enrichi de toutes les grâces du style et de tout le piquant