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MEMOIRES SECRETS.

ment, des livres scandaleux contre lesquels le clergé se soulevait. On a remarqué en effet beaucoup d’embarras dans cet Académicien, qui était présent, et qui pendant toute la tirade faisait une très mauvaise contenance. Quoi qu’il en soit, ce discours, malgré ses défauts, est peut-être le plus plein, le plus éloquent, le plus philosophique, qui ait été fait en pareil genre.

Pour remplir la séance, M. Marmontel a lu un épisode de son poëme en prose des Incas, ou la Destruction de l’empire du Pérou. Dans cet épisode, Las Casas, le défenseur des Indiens contre les cruautés des Espagnols, fait un voyage chez un cacique, qui, frappé de la grandeur des sentimens de cet étranger, de sa bienfaisance, de ses vertus héroïques, adopte le Dieu dont la morale est si belle. L’auteur, par ce chant adroitement amené, a voulu faire rougir indirectement les persécuteurs de l’auteur du Bélisaire, qui, lorsqu’on l’accusait de déisme et d’athéisme, mettait dans un aussi beau jour la religion chrétienne et s’en faisait l’éloquent apologiste. Quant au fonds du récit, il est tracé d’une manière extrêmement touchante, et le ton pathétique du poète a fait verser des larmes plusieurs auditeurs.

M. le duc de Nivernois a terminé la séance par huit fables qu’il a lues : le Vigneron et le Roi, les Écrevisses, le Vautour et la Tortue, Jupiter et la Femme, l’Aigle et le Roitelet, l’Écolier en bateau, le Voyageur de nuit, le Vieillard à l’hôpital. On reçoit toujours avec un nouveau plaisir les productions de cet aimable seigneur, qui joint l’enjouement à la sagesse, et orne de fleurs la morale la plus exquise et la plus sublime.

Le comte de Vasa, le fils du roi de Suède, arrivé depuis quelques jours en cette capitale, a honoré l’Académie