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MEMOIRES SECRETS.

au style et à ce talent particulier qu’il a pour dire des injures.

4. — On commence à voir dans l’atelier du sieur Pigalle une esquisse de la figure entière de M. de Voltaire. Il est représenté nu, assis, tenant un rouleau d’une main, et une plume de l’autre. Il paraît que cette manière de le poser n’agrée pas au public, et ce n’est pas le dernier effort de l’artiste, qui essaie les différentes attitudes pour faire valoir davantage ce squelette, sujet ingrat pour le statuaire.

5. — Le sieur d’Alembert, ce philosophe si célèbre dans l’Europe, frappé de vapeurs et d’étourdissemens, doit faire incessamment un voyage en Italie avec Condorcet. On espère que la beauté du climat, la diversité des lieux et la multitude de chefs-d’œuvre en tout genre que va voir ce grand homme, dissiperont la mélancolie dont il est atteint.

6. — Il y a une grande fermentation dans le corps des encyclopédistes et des partisans de M. de Voltaire contre M. Séguier, avocat-général. Le Réquisitoire de ce magistrat leur déplaît beaucoup d’abord, en ce que dans les seuls livres, au nombre de sept, qu’il a dénoncés à la cour, il ait affecté d’en choisir un[1] du dieu de la littérature, auquel on travaille actuellement à dresser une statue ; en second lieu, en ce qu’il n’a pas traité plus doucement les gens de lettres, les Académiciens ses confrères, et qu’il s’est permis contre eux des déclamations, vagues il est vrai, qui ne caractérisaient personne en particulier, mais que les moins instruits sentent cependant tomber indirectement sur les encyclopédistes.

7. — L’Académie Française a tenu hier sa séance pu-

  1. Dieu et les hommes. V. 2 novembre 1769. — R.