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JUIN 1770.

auteurs n’était entré dans le sens de l’Académie. Il court à ce sujet une anecdote, suivant laquelle cette raison ne serait que l’ostensible et non la vraie. On prétend que l’Académie avait été partagée entre deux pièces, l’une du sieur de La Harpe, et l’autre de l’abbé de Langeac ; que les partisans de ce dernier avaient cabalé fortement pour lui, et par la connaissance qu’ils avaient donnée de l’auteur, avaient entraîné presque toute l’assemblée ; que le marquis de Saint-Lambert seul avait tenu bon pour le premier, et avait ramené beaucoup de gens à son avis ; sur quoi il s’en était élevé un troisième, de laisser la chose indécise, pour ne pas donner de mortification au jeune abbé, et ne pas faire d’injustice au candidat, ce qui a été adopté.

Ensuite M. Thomas a lu l’Éloge de Marc-Aurèle. Cet orateur, pour rendre sa tournure plus neuve et plus imposante, commence son discours par le convoi de son héros. Là il suppose qu’un nommé Apollonius, ancien ami de ce prince, fait son oraison funèbre devant tous les Romains assemblés. Il donne d’abord l’idée des devoirs d’un souverain, tels que les avait conçus Marc-Aurèle ; il fait voir, après, comme il les avait remplis. L’allusion continuelle entre ce qui se passait alors, et les événemens actuels, que l’auteur a eu soin d’indiquer tacitement aux spectateurs, a rendu cette lecture extrêmement piquante, et la satire indirecte qui résultait naturellement du contraste a excité des applaudissemens continuels. On n’a point vu de lecture aussi chaudement soutenue que celle-là. Comme elle était extrêmement longue, le sieur Thomas s’est reposé un instant.

Le sieur Duclos a repris alors la parole ; il a déclaré