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MEMOIRES SECRETS.

15. — Le roi de Prusse a écrit à M. d’Alembert[1] à l’occasion de la souscription ouverte pour l’érection d’une statue de M. de Voltaire. Ce monarque lui apprend qu’il veut se réunir aux admirateurs de ce grand homme, et qu’il laisse son correspondant maître de porter à la somme qu’il jugera à propos, celle qu’il entend donner non en roi, mais en homme de lettres. Le prince loue beaucoup un pareil projet, qu’il suppose principalement éclos dans le sein de l’Académie Française, dont, à cette occasion, il exalte plusieurs membres. L’Académicien n’a pas manqué de faire part à ses confrères d’une lettre aussi flatteuse, et la compagnie, vivement touchée de reconnaissance envers ce roi poète et philosophe, a ordonné, par une délibération solennelle, que ladite lettre serait inscrite dans ses registres.

17. — Les prélats de l’assemblée du clergé ne se sont pas contentés du travail dont ils ont prescrit la tâche au Père Bonhomme, Cordelier, dont on a parlé ; ils ont entrepris eux-mêmes une Instruction pastorale anti-philosophique, c’est-à-dire une instruction où ils renversent cette philosophie irréligieuse, qui voudrait lutter contre l’Église et en saper les fondemens.

18. — Un Courtisan, sans doute, a voulu flétrir le Parlement par les vers suivans, où il semble l’accuser d’abuser de son pouvoir :

Elle Thémis a ceint le diadème :
Elle tient de Louis le sceptre dans sa main,
ElPour abroger par son pouvoir suprême
ElLe vieux respect qu’on porte au souverain.
ElGens, qui tenez le parlement de France,
Elle Dieu soit loué ! vous voilà rois.

  1. Cette lettre est datée du 28 juillet 1770. — R.