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MEMOIRES SECRETS.

ami, et dans une Lettre à M. de Voltaire, qu’il vient de faire imprimer, se disculpe absolument de ce commerce.

9. — On peut voir, dans l’atelier du sieur Pigalle, un petit buste, esquissé nouvellement par ce grand artiste, de la tête de M. de Voltaire. Rien de plus ressemblant que cette figure, pleine d’esprit et de feu. Cette rage de mordre, qui fait aujourd’hui le caractère distinctif du philosophe de Ferney, respire dans tous les traits de son visage, et la satire semble s’élancer de tous les plis et replis de cette face ridée.

10. — Lettre sur la Théorie des lois civiles, etc. où l’on examine entre autres choses s’il est bien vrai que les Anglais soient libres, et que les Français doivent ou imiter leurs opérations, ou porter envie à leur gouvernement[1]. Tel est le titre d’un livre attribué au sieur Linguet, et qui porte en effet l’empreinte de son imagination ardente et de son génie satirique. Il y défend le paradoxe de sa Théorie des Lois civiles, où il avait avancé que le despotisme était le meilleur des gouvernemens. À cette occasion, il dit des vérités dures et hardies ; il établit des parallèles singuliers et brillans, et il plaide sa cause avec tant d’esprit et d’adresse, qu’on serait tenté, sur son exposition, de préférer le gouvernement des tyrans orientaux à celui des États qui semblent les plus libres. En un mot, il renverse de fond en comble le système de Montesquieu dans son Esprit des Lois, et parle de ce grand homme avec une irrévérence, un mépris, une horreur même, bien propres à alarmer ses adorateurs. Mais ce qui paraît tenir le plus au cœur du sieur Linguet, est la critique que les auteurs du journal des Éphémérides

  1. Amsterdam, 1770, in-12. — R.