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JUIN 1770.

madame la comtesse de Langeac, et par le goût et l’intelligence qu’il a pour les plaisirs, préside à toutes les fêtes qu’elle donne à M. le comte de Saint Florentin, n’a pas laissé passer l’occasion de la faveur[1] que ce ministre a reçue tout récemment de S. M., sans la célébrer d’une manière toujours galante et nouvelle. Il a fait accepter à ce ministre un concert et un souper à l’hôtel qu’il a en face de celui de madame de Langeac, sans qu’il parût être question d’autre chose. Après souper on a engagé M. le duc de La Vrillière à faire un tour dans le jardin. Il s’y est trouvé une communication avec un jardin voisin, où la curiosité l’a invité d’entrer. Quelle surprise agréable ! quel spectacle enchanteur s’est offert à ses yeux ! un village entier a paru construit en ce lieu ; une joie naïve semblait animer tous ses habitans, et sur le champ il s’est établi une espèce de drame entre ces bonnes gens, qui a facilement indiqué le sujet de leurs divertissemens : c’étaient les vassaux du nouveau duc qui se félicitaient de l’élévation de leur seigneur à cette dignité. Ils sont venus tour à tour lui présenter leur hommage et leurs présens, en chantant des couplets analogues, et un bal général a terminé la fête. Elle s’est exécutée le 3 juillet, c’est-à-dire le jour même où a paru le fameux arrêt du Parlement contre le duc d’Aiguillon. Cet événement, qui a bouleversé tout Paris, n’a semblé troubler en rien la gaieté de l’oncle ministre et celle du neveu, qui y assistait, et qui, double qualité d’homme d’esprit et d’homme de cour n’a laissé percer aucune altération. Au surplus, ce joli divertissement ne s’est passé qu’en petit comité, et en présence seulement des initiés aux mystères de ces ingénieuses farces.

  1. V. 7 octobre 1770. — R.