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JUIN 1770.

qui se sont tués à Saint-Étienne en Forez au mois de juin. On débite leur épitaphe, qu’on prétend avoir été faite par J.-J. Rousseau, qui se trouvait alors dans cette ville :


Cî-gissent deux amans : l’un pour l’autre ils vécurent :
L’un pour l’autre ils sont morts, et les lois en murmurent ;
La simple piété n’y trouve qu’un forfait ;
Le sentiment admire, et la raison se tait.

21. — Les représentations du Parlement, arrêtées aux chambres assemblées le 2 du mois dernier, sont effectivement très-fortes, et sans déclamation. Elles inculpent le duc d’Aiguillon de la façon la plus grave ; elles présentent un tableau resserré de certaines dispositions qui entacheront à jamais son honneur, s’il n’est sauvé juridiquement ; elles réfutent d’une façon victorieuse les divers motifs sur lesquels sont appuyées lesdites Lettres Patentes. On est frappé en les lisant de la logique lumineuse qui en fait la base d’un bout à l’autre, et tout lecteur impartial les juge sans réplique. On continue les recherches les plus sévères, et le sieur D’Hémeri, exempt de police concernant la librairie, fait de temps en temps ses rondes et menace les imprimeurs, libraires, colporteurs, des châtimens les plus formidables s’ils se prêtent en aucune façon à les répandre.

22. — Quelques gens, sans doute ennemis du sieur J.-J. Rousseau, prétendent qu’il est extrêmement baissé. Ce qu’il y de sûr, c’est qu’il est beaucoup plus liant qu’il n’était ; qu’il a dépouillé cette morgue cynique qui révoltait ceux qui le voyaient ; qu’il se prête à la société ; qu’il va manger fréquemment en ville, en s’écriant, que les dîners le tueront. On ne sait trop à quoi il s’occupe.