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MEMOIRES SECRETS.

lance et au sabre. La musique n’est autre chose que différens morceaux pris de côté et d’autre, dont on a formé un ensemble. Les paroles sont moins que rien aussi, et ce genre de divertissement est uniquement pour les yeux. Il n’y aura point de ballets ni de danse. Madame la duchesse de Villeroi se donne de grands mouvemens pour faire réussir ce spectacle, sinon de son invention, duquel au moins elle a donné le canevas, auquel elle a présidé, et qui s’exécute entièrement sous ses auspices.

19. — Le projet de dresser une statue à M. de Voltaire a été enfanté et rédigé chez madame Necker, femme du banquier de ce nom, qui reçoit chez elle beaucoup de gens de lettres. En conséquence, ce grand poète lui a adressé l’épître suivante :


Quelle étrange idée est venue
Dans votre esprit sage, éclairé ?
Que vos bontés l’ont égaré,
Et que votre peine est perdue !
À moi, chétif, une statue !
D’orgueil je vais être enivré.
L’ami Jean-Jacques a déclaré
Que c’est à lui qu’elle était due :
Il la demande avec éclat.
L’univers, par reconnaissance,
Lui devait cette récompense,
Mais l’univers est un ingrat.
En beau marbre, d’après nature,
C’est vous que je figurerai,
Lorsqu’à Paphos je reviendrai,
Et que j’aurai la main plus sûre.
Ah ! si jamais, de ma façon,
De vos attraits on voit l’image,
On sait comment Pygmalion
Traitait autrefois son ouvrage.