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Mai 1770.

vait point comblé, et qui s’est trouvé au passage de quantité de gens poussés par derrière, les a fait trébucher ; ce qui a occasioné des cris et un effroi général. Trop peu de gardes ne pouvant suffire à contenir la presse, ont été obligés de succomber ou de se retirer ; des filoux, sans doute, augmentant le tumulte pour mieux faire leurs coups ; des gens oppressés mettant épée à la main pour se faire jour, ont occasioné une boucherie effroyable, qui a duré jusqu’à ce qu’un renfort puissant du guet ait rétabli l’ordre. On a commencé par emporter les blessés comme on a pu, et ce spectacle était plutôt l’idée d’une ville assiégée que d’une fête de mariage. Quant aux cadavres, on les a déposés dans le cimetière de la Madelaine, et l’on y en compte aujourd’hui cent trente-trois. Pour les estropiés, on n’en sait pas la quantité. M. le comte d’Argental envoyé de Parme, a eu l’épaule démise ; et M. l’abbé de Raze, aussi ministre étranger, a été renversé et horriblement froissé et meurtri.


1er Juin. Extrait d’une lettre de Lyon du 28 mai 1770.

Le fameux J.-J. Rousseau s’ennuie vraisemblablement de son obscurité, et de ne plus entendre parler de lui. Il a quitté le Dauphiné, et l’on prétend qu’il est aujourd’hui dans un petit village non loin d’ici, qu’on appelle a Frète, où l’on assure qu’il catéchise et se forme un petit auditoire. On prétend qu’il ne tardera pas à se rendre à Paris, et qu’il pourrait bien avoir la folie de vouloir faire juger son décret par le Parlement, tentative dangereuse et dont ses amis espèrent le détourner.

3. — M. le Dauphin a paru fort inquiet dès le com-