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MEMOIRES SECRETS.

pour empêcher que la délicatesse de cette actrice soit blessée en rien.

10. — M. le prévôt des marchands a reçu ces jours-ci à table un paquet contenant des couplets imprimés sur les réjouissances, où, à travers le ton grivois qui y règne, la bonhomie apparente de l’auteur, on trouve beaucoup de traits de causticité qui empêcheront de laisser répandre cette chanson. On en peut juger par le commencement :


En bon Français pourtant,
Il faut, quoique sans argent,
Il Entrer en danse, etc.


13. — Mesdemoiselles Camargo et Carton, deux anciens sujets émérites de l’Opéra, sont mortes depuis peu. L’une a été dans son temps une très-célèbre sauteuse ; c’est elle, en quelque sorte, qui a créé cette danse haute si à la mode aujourd’hui, mais qui s’est bien perfectionnée depuis. Elle était renommée pour la légèreté et la vivacité de ses gambades, et son nom fait encore époque dans les fastes du théâtre de l’Académie royale de Musique. L’autre, chanteuse des chœurs et d’un talent fort médiocre, s’était acquis une grande considération entre ses camarades par ses saillies, dont quelques-unes ont été rédigées depuis en apophthegmes, ont fait proverbe, et sont consignées dans un ouvrage intitulé : le Code lyrique, ou Réglement pour l’Opéra de Paris[1]. Elle s’était, d’ailleurs, illustrée par les conquêtes les plus distinguées, et se vantait de l’honneur unique d’avoir partagé sa couche avec trois rois. Toutes deux étaient re-

  1. Par Meusnier de Querlon. — R.