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MARS 1770.

que la maison de cette fille était un coupe-gorge effroyable, où se réunissaient des jeunes gens de distinction, elle a été enlevée aujourd’hui et conduite à Sainte-Pélagie, retraite destinée aux nymphes d’un certain ton qu’on ne veut pas mettre à l’hôpital. Cet enlèvement a jeté l’épouvante parmi les joueurs affiliés à sa maison, obligés de chercher asile ailleurs.

1er Mai. — La querelle de M. Boutin avec M. le comte de Lauraguais continue à amuser la cour et la ville ; mais ce n’est certainement pas aux dépens du dernier. Les actionnaires goûtent la faible vengeance de voir au grand jour toutes les petites manœuvres employées par cet intendant des finances pour dissoudre la Compagnie ; ses ruses, ses caresses, ses promesses envers l’abbé Morellet, son suppôt, son agent et son organe. Celui-ci n’est pas moins furieux et a envoyé à l’auteur du Mercure la lettre suivante à insérer dans le volume de ce mois.


« Il se répand dans Paris et dans les provinces un ouvrage en trois parties, imprimé furtivement, et qui se vend de même, intitulé : Mémoire sur la Compagnie des Indes, en réponse aux compilations de M. l’abbé Morellet, par M. le comte de ***. J’y suis insulté avec la plus grande violence par un homme que je n’ai jamais offensé. J’aurais peut-être répondu à un ouvrage anonyme qui eût pu faire quelque impression sur l’esprit du public ; mais, heureusement pour moi, l’auteur de celui-ci s’est nommé, et je ne me crois obligé de répondre ni aux injures, ni aux raisonnemens qui s’y trouvent.

J’ai l’honneur d’être, etc. »

On sent tout le fiel que distille cette lettre sous les apparences de la modération, et combien elle est piquante