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MARS 1770.

propose, pour pendant, l’énigme suivante qui peut servir aussi d’acrostiche.


De mes heureux talens le nombre est innombrable,
Et vous devez, lecteur, m’en croire sur ma foi :
L’orgueil, vice en autrui, devient vertu dans moi ;
À tous les beaux esprits je suis inexorable ;
Haïr est un besoin pour mon cœur inhumain.
Amitié, ton nom seul me glace et m’épouvante ;
Rarement l’on me plaît : jamais rien ne m’enchante.
Prétendre à mon suffrage est inutile et vain,
Et je flatte aujourd’hui pour mieux mordre demain.

21. — M. Boutin voulait intéresser les intendans des finances, ses confrères, à demander justice en corps de la manière outrageante dont il est traité dans le Mémoire de M. le comte de Lauraguais, dont on a parlé#1. On ne sait si les autres se sont joints à l’offensé, mais sur les sollicitations faites auprès de M. le contrôleur-général, celui-ci a remis le livre entre les mains du roi, afin que Sa Majesté pût en juger en connaissance de cause. Il paraît qu’elle a traité tout cela de bagatelle, puisque M. le comte de Lauraguais n’a point été à la Bastille, comme l’exigeait M. Boutin, et que par les propos qu’on rapporte du roi à cette occasion, le plaignant n’est pas sans beaucoup de torts dans l’affaire qui a donné lieu à la sortie en question. Bien des gens même le regardent comme perdu sans ressource. Ce qu’il y a sûrement de fâcheux pour lui, c’est que l’éclat que fait à la cour cette que-[1]

    Et ce dédale, offrant des détours innombrables,
    Partout entre-coupés, partout impénétrables,
    Est plein de fils trompeurs, dont le sombre embarras
    sans retour et conduit au trépas.

    Un Œdipe de province trouva que ces vers caractérisaient parfaitement l’Araignée. — R.

  1. V. 7 avril 1770. — R.