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MEMOIRES SECRETS.

a nommé un censeur spécial ; il doit examiner ce avec la plus scrupuleuse attention, en peser toutes les expressions, apprécier le langage entortillé de ces messieurs, qui, à la faveur de nouvelles expressions, pourraient faire passer des idées dangereuses. C’est le sieur Moreau, ci-devant avocat des finances, que M. le chancelier a cru propre à cette besogne. Celui-ci a senti combien sa mission était critique ; en conséquence, il a déposé un corps de doctrine à la fin du premier volume des Éphémérides de cette année, qui ne fait paraître. Il fait sa profession de foi sur la doctrine des économistes, et déclare dans quel sens il l’entend et veut l’entendre, pour se mettre à l’abri des chicanes et peut-être des persécutions que sa qualité d’examinateur lui pourrait attirer.

19. — M. de La Harpe est un des principaux petits compagnons travaillant au Mercure sous le sieur Lacombe. Cet auteur, d’un génie naturellement malfaisant, paraît se plaire à profiter de cette espèce de dictature pour rendre des jugemens qu’il croit souverains, et traiter de Turc à Maure les différens écrivains qui ont le malheur de lui déplaire. De ce nombre est et doit être M. de Belloy : il a saisi assez ingénieusement quelques vers de Gaston et Bayard, de ce poète, fort obscurs comme sont beaucoup de ceux qu’il fait, et les a insérés au Mercure comme une énigme proposée par une société de gens de lettres[1].

Un plaisant, non moins mordant que M. de La Harpe

  1. Voici les vers de De Belloy qui ont en effet toute la clarté d’une énigme :

    Je règle les ressorts de mon art infaillible ;
    Je concerte si bien leur jeu sûr et terrible,
    Que l’un, en se rompant, par un effort secret.
    De l’autre tout à coup précipite l’effet :