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MEMOIRES SECRETS.

plus peut-être, à défaut de vrais possédés, aurait-on recours à ce pieux stratagème, pour ne pas laisser interrompre la croyance des fidèles à un miracle subsistant depuis tant de siècles et si propre à les raffermir dans leur foi. Heureusement, les possédés sont si communs que sans doute, il n’est pas besoin d’en préparer de factices

16. — Il paraît un Mémoire du sieur Billard, écrit avec ce même esprit de fanatisme qui semble être depuis long-temps le principe de toutes ses actions. En avouant ses malversations, il veut les justifier et rendre en sorte le ciel son complice, par le bandeau épais que la Providence, suivant lui, avait jeté sur les yeux de ses supérieurs. Il assure que ses erreurs étaient si claires, que sans un miracle d’aveuglement de leur part, il n’est pas de jour où ils n’eussent dû s’en apercevoir ; que depuis plusieurs années il ne rendait pas un compte, il ne présentait pas un bordereau qui ne déposât contre lui et n’administrât des preuves évidentes de ses infidélités. Il en conclut qu’il avait droit de se regarder sous la garde de Dieu même, d’autant plus que sa distraction de deniers n’était pas pour favoriser le libertinage, pour fomenter des passions criminelles, pour afficher un luxe insolent, mais pour faire des charités, des bonnes œuvres, pour soutenir enfin les défenseurs et les martyrs de la religion. Ce Mémoire manuscrit, dénué de toute citation des lois, ou d’avis de jurisconsultes, mais fort de textes de l’Écriture Sainte et de décisions des casuistes, est dans genre si singulier, qu’on serait tenté de le regarder comme le fruit du loisir de quelque plaisant, s’il n’était soutenu d’un détail de faits et de particularités très-propres à lui donner le caractère de l’authenticité.

17. — On prétend aujourd’hui qu’un grand ouvrage