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FÉVRIER 1770.

Messieurs les chanoines de l’église de Paris, en reconnaissant dans M. l’abbé Bergier, leur nouveau confrère, toutes les qualités d’un bon prêtre, se plaignent qu’il ne soit pas un homme de ce monde, et qu’il n’ait rien de ce liant, de cette aménité qui constituent les agrémens de la société. Sans discuter ce que peuvent valoir reproches, on se contentera de dire que M. l’archevêque de Paris ne tardera pas à mettre en œuvre ce savant laborieux. On présume que le projet du prélat est de s’en servir pour proscrire successivement et en détail cette multitude de livres impies dont les presses étrangères nous inondent sans interruption, et par des mandemens, forts de preuves et de raisonnemens, repousser les attaques des incrédules et défendre la foi des fidèles, malheureusement trop ébranlée. M. Bergier a déjà montré ses talens pour ce genre de combat contre M. de Voltaire[1], et les secours qu’il trouvera dans la capitale ne serviront qu’à le rendre plus propre à soutenir la belle cause qu’il défend.


1er Mars. — Les écrits pour et contre la Compagnie des Indes ne sont pas encore taris. Il paraît une brochure in-4°, de dix pages, intitulée Lettre d’un cultivateur à son ami sur la Compagnie des Indes. Le résultat de ces réflexions sensées, mais peu neuves, est que l’auteur s’étonne qu’il y ait des êtres pensans et raisonnans qui puissent proposer à l’État de sacrifier soixante millions pour une Compagnie qui, loin d’avoir apporté jusqu’ici un sou de bénéfice au royaume, lui a souvent occasioné guerres ruineuses ; qui ne profite en rien, diminue successivement, et par la situation actuelle de l’Inde est menacée d’un épuisement plus sensible que jamais. On

  1. V. 15 juillet 1768. — R.