Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
MEMOIRES SECRETS.

la langueur et la monotonie qui y règnent, n’est point barbare, comme celle de l’autre.

3. — On vient de rendre publiques par la voie de l’impression les très-humbles et très-respectueuses représentations du Conseil souverain du Port-au-Prince, concernant les milices. Ce sont ces représentations que les magistrats étaient occupés à lire et à arrêter, lorsque M. le chevalier de Rohan fit investir le palais et enlever douze de ces messieurs. Cette publicité ne peut que faire infiniment d’honneur aux magistrats intrépides qui défendent avec autant d’éloquence que de raison les intérêts d’une colonie gémissante sous le poids du despotisme de deux gouverneurs successifs. On y peint des couleurs vives et énergiques leur administration effroyable et monstrueuse ; on fait voir partout les droits des citoyens violés, la justice avilie et méprisée, les militaires substitués à la magistrature, et la force à la loi. Comme une pareille réclamation inculpe nécessairement de la façon la plus grave M. le comte d’Estaing et M. le chevalier prince de Rohan ; comme, en rendant compte des faits, il n’a pas été possible de ne pas jeter beaucoup d’odieux sur leurs personnes, cet écrit est prohibé très-sévèrement par la police ; et la famille des Rohan surtout voit avec douleur le gouvernement d’un seigneur de sa maison voué à l’exécration générale des habitans de Saint-Domingue, exécration qui s’étendra jusqu’à la postérité la plus reculée.

— C’est aujourd’hui la dixième et dernière représentation du drame des Deux Amis, qui va s’éteindre enfin, après une agonie plus longue que de coutume. Heureusement l’amour-propre inépuisable de l’auteur le défend contre la désertion générale du public, et lui fait mettre sur le compte du mauvais goût, du défaut de