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MÉMOIRES SECRETS

15. — Ésope à Cythère. On a déjà introduit Ésope à la cour, à la ville, au Parnasse[1] ; on le mène à Cythère, et il doit, sans doute, être étonné de s’y trouver, et du rôle qu’on lui fait jouer. Quoi qu’il en soit, tel est le titre d’une pièce à tiroir, jouée aujourd’hui, pour la première fois, aux Italiens. Le théâtre représente le temple de l’Amour. Les dieux ont envoyé Ésope pour enseigner la morale aux hommes, et l’Amour s’associe à sa mission. Des amoureux mécontens se plaignent à Ésope : le fabuliste leur donne des leçons à sa manière. Un jaloux vient, et est condamné par une fable. Thalie paraît en veuve de Molière, et l’Opéra, en vieillard décrépit, se présente aussi à Ésope, qui renvoie le vieillard à son machiniste, comme à son soutien. Une débutante de Terpsichore semble rajeunir l’Opéra. Cette pièce n’est que le cadre d’une critique sanglante des deux autres spectacles ; elle n’a d’autre mérite que des ordures assez grossières et des épigrammes vives qui font sourire la malignité. Il y a des ariettes, mises en musique par MM. Trial el Vachon. Le prête-nom est M.  Dancourt. En general, la pièce est de société, et l’abbé de Voisenon y a beaucoup de part.

16. — La pièce d’hier fait un bruit de tous les diables. On était déjà prévenu que c’était une satire, mais on ne s’attendait pas à quelque chose d’aussi vif. Les partisans de l’Opéra jettent les hauts cris. M. Marin, le censeur de la police, a pensé perdre sa place pour avoir, par une infidélité manifeste, communiqué le manuscrit à Rebel et Francœur, qui ont fait tout au monde pour empêcher la représentation de la pièce.

  1. Ésope à la ville, comédie de Boursault, a été jouée en 1690 ; Ésope à la cour, du même auteur, l’a été en 1701. Pesselier lit représenter en 1739 son Ésope au Parnasse. — R.