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décembre 1766

gnan, un des frères de ce dernier, qui est au service, annonçait qu’il voulait donner des coups de bâton à ce grand poète.

« Je ne sais, monsieur le duc, ce que j’ai fait à MM. Le Franc : l’un m’écorche tous les jours les oreilles, l’autre menace de me les couper. Je me charge du rimailleur, je vous abandonne le spadassin, car j’ai besoin de mes oreilles pour entendre ce que la Renommée publie de vous#1. »

10. — Les lettres d’Angleterre continuent à nous apprendre le profond oubli dans lequel M.  Rousseau de Genève est plongé malgré lui. « Cet homme, est-il dit, philosophe en France, a fait chez nous tout ce qui a dépendu de lui pour s’attirer les regards du public ; mais ni ses efforts philosophiques, ni sa mauvaise humeur, n’ont eu aucun effet. Il vit fort ténébreusement à Sommerset-shire, dans une retraite ignorée et dans l’obscurité. Sa querelle avec M.  Hume a un peu réveillé l’attention sur son compte, plus encore par rapport à M.  Hume que par rapport à lui. »

12. — La protection que l’impératrice de Russie accorde aux lettres et aux gens qui les cultivent, n’est point une protection stérile ; elle s’étend jusque sur ceux-mêmes qui ne sont pas nés ses sujets. On a vu#2[1][2]

  1. On trouve dans les Œuvres de Voltaire cette version un peu différente de la même lettre :

    « J’ignore ce que mes oreilles ont pu faire aux Pompignans. L’un me les fatigue par ses mandemens, l’autre me les écorche par ses vers, et le troisième me menace de les couper. Je vous prie de me garantir du spadassin ; je me charge des deux écrivains. Si quelque chose, Monseigneur, me fesait regretter la perte de mes oreilles, ce serait de ne pas entendre tout le bien que l’on dit de vous à Paris. » — R.

  2. V. 14 avril 1765, — R.