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MÉMOIRES SECRETS

Pologne. Je sens que la présence réelle de ses vertus, de sa sensibilité, des charmes de sa société et de sa personne, remue mon cœur bien plus vivement que ne faisait le souvenir que j’en avais conservé, quoiqu’il me fût toujours présent et assez fort pour me faire entreprendre un grand voyage.

« Cette douce nourriture, que je suis venu chercher pour mon sentiment, va se changer en amertume pour le reste de ma vie, quand il me faudra, en quittant ces lieux, prononcer le mot jamais.

« Je serai de retour chez moi à la fin d’octobre. Vous aurez la bonté, Monsieur, de me faire savoir à qui je dois remettre l’aumône du roi. J’y joindrai le denier de la veuve.

« Soyez persuadé que j’ai la même horreur que vous pour le fanatisme et ses effroyables effets, et que votre humanité, votre zèle, m’inspirent une aussi grande vénération que la beauté de votre esprit, son étendue, et l’immensité de vos connaissances me causent d’admiration.

« La réunion de ces sentimens me rend digne, Monsieur, de vous louer et de vous respecter. Sa Majesté a voulu garder la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Par ce sacrifice que je fais au roi, et par celui que je vous fais de son billet, vous devez connaître mon cœur : vous voyez qu’il préfère à sa propre gloire le plaisir de faire des heureux. »

7. — Quoique la pièce ci-jointe soit ancienne, sa rareté, et son genre qui ne lui permet pas un plus grand jour, nous autorisent à la consigner ici : c’est une lettre de M. de Voltaire à M.  le duc de Choiseul, sur ce que, dans le temps de sa querelle avec M.  Le Franc de Pompi-