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décembre 1766

de nouveau dans ce livre, où il avait seulement rapproché les textes les plus forts et les plus précis des ordonnances, ainsi que les faits historiques les plus propres à accréditer son système et ses principes.

5. — Madame Geoffrin n’est point restée en arrière : elle a répondu à M.  de Voltaire par une lettre que nous venons de recouvrer, en date du 25 juillet.

« Dans l’instant même que j’ai reçu votre lettre, Monsieur, je l’ai envoyée au roi, avec les cahiers qui l’accompagnaient. Sa Majesté me fit l’honneur de m’écrire sur-le-champ le billet que voici en original[1]. Comme c’est à vous, Monsieur, que je le dois, je vous en fais l’hommage et le sacrifice. Sa Majesté me fit dire que nous lirions ensemble la brochure[2]. Sa Majesté me la lut : comme le roi lit aussi parfaitement bien que vous écrivez, Monsieur, le lecteur et l’auteur m’ont fait passer une soirée délicieuse. Sa Majesté a été très-touchée du sort des malheureux pour lesquels vous vous intéressez. Elle m’a donné de sa poche deux cents ducats.

« Le roi a soupiré, Monsieur, en lisant l’endroit de votre lettre où vous paraissez regretter de n’avoir pu m’accompagner. Vous avez vu des rois : eh bien ! l’âme, le cœur, l’esprit et les agrémens de celui-ci auraient été pour votre philosophie et votre humanité un spectacle intéressant, touchant, agréable et peut-être nouveau.

« Je paierai bien cher le plaisir que j’ai eu de voir un roi, qui était celui de mon cœur avant d’être celui de la

  1. « J’ai cru voir dans la lettre que Voltaire vous écrit, la raison qui s’adresse à l’amitié en faveur de la justice. Quand je ferai une statue de l’Amitié, je lui donnerai vos traits. Cette divinité est mère de la bienfaisance, vous êtes la mienne depuis long-temps, et votre fils ne vous refuserait pas, quand même ce que Voltaire me demande ne m’honorerait pas autant. »
  2. Voyez la note 1 de la page précédente, — R.