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août 1766

M.  de La Chalotais, dont on a parlé[1]. Ce Mémoire fait un bruit du diable ; il est recherché de tous les curieux et forme une pièce de bibliothèque très-précieuse.

15. — L’activité de l’esprit de M. de Voltaire n’est pas ralentie sur ses vieux ans : ou voit naître chaque jour des productions de sa part ; mais, toujours constant dans ses derniers principes, il semble particulièrement occupé à nourrir dans l’esprit de ses lecteurs ce scepticisme trop répandu depuis quelques années : tout ce qui sort de sa plume aujourd’hui tend à fortifier ses premières assertions. Il vient de paraître un ouvrage qui a pour titre le Philosophe ignorant. On y reconnaît à chaque page l’auteur de la Philosophie de l’Histoire, etc. Il a divisé son livre en Doutes, qu’il serait bien difficile de résoudre, à ne suivre que les lumières ordinaires de la raison, et qui fondent le pyrrhonisme, si dangereux pour les vérités reçues.

16. — Abrégé de l’Histoire ecclésiastique de Fleury, traduit de l’anglais[2]. Cet ouvrage, attribué au roi de Prusse, perce lentement dans le public : il est précédé d’une préface fortement écrite, et plus énergiquement pensée. L’auteur prétend, d’après le récit même de la manière dont l’Église s’est formée, démontrer que c’est une institution tout humaine ; en sorte que cette Histoire est la satire la plus forte et la plus dangereuse de la religion. On y trouve les anecdotes les plus précieuses.

17. — Une rixe élevée entre deux hommes qui se piquent de bel esprit et qui tiennent un rang dans la littérature, et comme auteurs et comme Mécènes, fait

  1. V. 1er août 1766. — R.
  2. Berne (Berlin), 1766, 2 v. p. in-8o. L’Abrégé est de l’abbé de Prades ; la préface seule est du roi de Prusse. — R.