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pages, et ne paraît avoir été fait que sur des imputations vagues ; le prisonnier ignorait alors sur quels chefs précis d accusation on voulait asseoir la procédure. Le second continue jusqu’à la page 68. Tous deux sont datés du château de Saint-Malo, savoir : le premier du 13 janvier 1766, et le second du 17 février suivant. Celui-ci est plus direct, et paraît embrasser tous les griefs dont on charge cet illustre criminel. À la suite est une Addition, de même format, jusqu’à la page 80. C’est une petite défense particulière, dirigée contre un magistrat, M. de Calonne, que l’accusé semble regarder comme son ennemi personnel. Il y est peint sous des couleurs très-flétrissantes. On lit entre autres choses, dans ces Memoires, qu’ils ont été écrits avec une plume faite d’un cure-dent, de l’encre composée d’eau, de suie de cheminée, de vinaigre et de sucre, sur des papiers d’enveloppe de sucre et de chocolat. L’auteur débute ainsi : « Je suis dans les fers ; je trouve le moyen de former un Mémoire. Je l’abandonne à la Providence. S’il peut tomber entre les mains de quelque honnête citoyen, je le prie de le faire passer au roi, s’il est possible, et même de le rendre public pour ma justification et celle de mon fils. »

M. de La Chalotais prétend exposer, dans ces écrits, la source et l’origine de sa disgrâce. Il s’y plaint amèrement de la rigueur de sa détention, invoque la justice du roi, réclame l’exécution des lois, et proteste de son innocence sur quelque point qu’on veuille l’inculper. Ces Mémoires interessent la littérature par leur auteur ; on y reconnaît la plume qui a foudroyé si éloquemment le fanatisme dans ses Comptes rendus des constitutions des Jésuites[1]. Il y a de la chaleur, beaucoup d’esprit, de la modération et de

  1. V. 24 février 1762. — R.