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juillet 1766

le compte de M. Rousseau, qui rendrait tout croyable de sa part. On prétend qu’il a été autrefois colporteur de dentelles en Flandre, et que madame Boivin, fameuse marchande en ce genre, fut chargée, il y a déjà longtemps, d’une lettre-de-change et d’une contrainte par corps contre lui. Il avait enlevé la marchandise et l’argent. M. Rousseau demeurait alors dans la rue de Grenelle-Saint-Honoré. C’était dans le temps où son Discours couronné par l’Académie de Dijon commençait à le rendre célèbre. Madame Boivin s’en étant informée, et ayant appris sa célébrité et la médiocrité de sa fortune, ne voulut point se charger de mettre à exécution contre lui les pouvoirs qu’elle avait, et renvoya le tout à ses correspondans[1].

18. — Un curé de campagne, d’Épinay, nommé l’abbé

  1. Cet article est remarquable par son inexactitude. On ne peut mieux le réfuter que par l’exposé des faits.

    1o Dans la querelle entre David Hume et J.-J Rousseau tous les hommes de lettres prirent fait et cause pour le premier. À leur tête étaient d’Alembert, Suard, qui traduisirent le pamphlet de Hume*, d’Holbach, qui le colporta, etc, Rousseau, qui ignorait cette publication, était à Wootton. Il n’eut pour défenseur que madame Latour-Franqueville**. On prenait tellement le parti de Hume que les amis de Jean-Jacques lui écrivirent pour lui faire des reproches et lui demander des explications,


    2o La métamorphose de l’auteur en colporteur de dentelles, parcourant la Flandre où il n’a jamais mis le pied, faisant des lettres-de-change, etc., est une mauvaise plaisanterie digne de pitié. À l’époque que l’on indique, Jean-Jacques était à Paris ; il est venu dans cette capitale en 1741 ; il en sortit pour se rendre à Venise auprès du stupide Montaigu, en 1743 ; revint à Paris en 1744 ; y resta jusqu’au mois de juillet 1754 qu’il fit un voyage de trois mois à Genève. Du mois d’octobre 1754, jusqu’au 9 juin 1762 qu’il fut décrété de prise de corps, il passa cet espace de temps à Paris, à l’Ermitage, à Montmorency. De 1762 à 1765, il séjourna en Suisse. Il s’embarqua pour l’Angleterre le 3 juin 1765. Il est difficile de trouver le moment où il aurait colporté des dentelles. ( Note communiquée par Musset-Pathay).


    *. V. 20 octobre 1766. — R. **. V. 22 février 1767. — R.