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JUIN 1769

de Ferney, excitent une fureur épidémique pour s’arracher ces productions qui ne se soutiennent que par leur rareté. On sent bien qu’il est difficile, ou plutôt impossible, que M. de Voltaire reste dans l’inaction, livré, comme il est, aux ennuis de la vieillesse et de la solitude ; mais ce qu’il écrit d’une main, il devrait avoir la sagesse et le courage de le brûler de l’autre. Il emprunte aujourd’hui le masque du docteur Tamponet, et c’est à ce cuistre de Sorbonne, qu’il a tant baffoué, qu’il attribue la traduction arabe de cette histoire prétendue arrivée au commencement du seizième siècle.

M. le comte de Lauraguais passe généralement pour auteur de la Relation du docteur Ribaudier, et à plus juste titre que de la première plaisanterie[1]. Quoique ce seigneur ait infiniment d’esprit, ceux qui le connaissent retrouvent dans celle-ci cette obscurité et ce galimatias, défauts ordinaires de ses productions. Du reste, sans l’avouer, il ne la renie pas avec la même franchise que l’autre.

28. — M. de Voltaire s’annonce indirectement pour l’auteur des deux livres qu’on lui attribue dans une lettre, du 29 mai, à M. Thiriot, son agent littéraire et le dépositaire de ses secrets. « Il paraît, dit-il (c’est le mot du guet entre eux), il paraît une Histoire du Parlement, en deux volumes. Les connaisseurs la trouvent bonne et véridique. Il paraît un petit roman, intitulé Lettres d’Amabed. C’est l’historiette d’une jeune Indienne que les gens de goût préfèrent à la piteuse et longue histoire de Paméla. » Ces traits de modestie caractérisent encore mieux l’auteur, et ne permettent pas de douter que ces deux ouvrages ne soient du philosophe de Ferney.

  1. V. 3 avril 1769. — R.